💵 Stablecoins : comment vont-ils révolutionner les paiements ? (Partie 1)
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💵 Stablecoins : comment vont-ils révolutionner les paiements ? (Partie 1)
Longtemps considérés comme un rouage technique de l’écosystème crypto, les stablecoins se sont imposés comme des instruments clés de la finance numérique. Conçus pour maintenir une valeur stable, en général indexée sur le dollar ou d'autres actifs réels, ils représentent aujourd’hui l’une des rares catégories de cryptoactifs à être largement utilisée, à la fois par les investisseurs particuliers, les institutions financières et les entreprises.
Alors que le marché crypto reste volatil, les stablecoins apparaissent comme un point d’ancrage. Ils permettent d’assurer la liquidité des échanges, de faciliter les paiements transfrontaliers et de structurer de nouveaux cas d’usage, notamment dans la finance décentralisée. Leur adoption par des acteurs traditionnels illustre leur montée en puissance silencieuse qui va remodeler le système financier.
Quels sont les modèles économiques derrière ces actifs ? Quelle est la taille réelle de ce marché, et comment évolue leur encadrement réglementaire ? Ce décryptage propose une vue d’ensemble de ces instruments à la fois techniques, politiques et stratégiques.
🤔 Comprendre les stablecoins : définitions, modèles et exemples
Les stablecoins centralisés (fiat-backed) 🏛️
Pour comprendre les stablecoins adossés à des monnaies fiat, un petit flashback historique s’impose : direction les États-Unis, fin XIXe. À l’époque, les billets de banque étaient émis par… des banques privées. Oui, chaque banque avait ses propres billets, un peu comme si aujourd’hui BNP et LCL te filaient chacun leur version de l’euro. Pas très pratique, sauf que ces billets étaient garantis par l’État : tu pouvais les échanger contre des « greenbacks » (la monnaie fédérale) ou de l’or. La confiance reposait donc sur : la réputation de la banque + la possibilité d’échanger le billet contre une valeur tangible.
Retour vers le futur en 2025 : C’est exactement ce que font les stablecoins centralisés. Ils sont émis par des entités privées qui garantissent chaque token en circulation par des réserves en monnaie fiduciaire, comme le dollar. Ces réserves sont généralement déposées dans des banques ou des obligations d’État à court terme. Ce modèle repose sur la confiance dans l’émetteur et dans sa transparence.
Mais du coup… comment être sûr que l’on peut avoir confiance dans ces stablecoins ? Bah parce que ces entreprises jouent la carte de la transparence (enfin, plus ou moins). Par exemple, Circle fait auditer régulièrement ses réserves par Deloitte. L’idée ? Montrer que pour chaque USDC en circulation, il y a bien un dollar ou un bon du Trésor derrière.
Des exemples de stablecoins centralisés :
USDT (Tether) : le pionnier et leader du secteur, toutes catégories confondues, avec presque 150 milliards de dollars en circulation. Tether affirme que chaque USDT est couvert par des actifs réels (essentiellement des bons du Trésor US) ;
USDC (Circle) : considéré comme plus “réglo”, car audité par des cabinets externes et conforme à la régulation américaine. Circle collabore avec BlackRock et Visa. Sa market cap dépasse les 60 milliards de dollars ;
EURCV (Société Générale – Forge) : le premier stablecoin euro lancé par une grande banque européenne, utilisé pour des règlements entre clients institutionnels ;
PYUSD (PayPal) : le géant des paiements a lui aussi voulu profiter de l’engouement du secteur en lançant son PYUSD, garanti par des dépôts en dollars, des bons du Trésor américain et des équivalents de trésorerie.
Les stablecoins décentralisés (crypto-collateralized) 🔗
Imagine pouvoir créer de la monnaie… en contractant un prêt. Pas un prêt à la consommation chez Cofidis hein, mais un prêt 100% sur la blockchain, basé sur des cryptos que tu possèdes déjà. C’est exactement ce que permettent les asset-backed stablecoins (ou stablecoins collatéralisés) qui sont généralement développés par des protocoles décentralisés.
Petit point culture : dans la finance tradi, les banques créent la majorité de l’argent en circulation (la fameuse masse monétaire M2) grâce à… des prêts. Ton compte courant, c’est un peu comme un mirage bien réglementé : les fonds qu’il contient existent parce qu’une banque, quelque part, a prêté de l’argent à quelqu’un.
Dans le monde crypto, ce rôle est joué par des protocoles de prêts décentralisés, comme Sky (anciennement MakerDAO). Ces protocoles ne prêtent pas à des PME ou pour des crédits auto, mais contre des actifs crypto très liquides (comme de l’ETH). En gros : tu bloques un actif en garantie, tu reçois des stablecoins en échange. Et ces stablecoins sont créés ex nihilo. Oui, tu as littéralement “frappé” une nouvelle monnaie.
Aujourd’hui, ces stablecoins ne représentent qu’une petite portion de l’offre totale, mais ils ont un atout majeur : pas besoin de faire confiance à un émetteur centralisé, comme c’est le cas avec l’USDC ou l’USDT. Tout est transparent et auditable en temps réel grâce à la blockchain.
USDS (Sky - anciennement le DAI de MakerDAO) : adossé à une combinaison d’ETH et d’autres tokens comme wBTC ou USDC, avec une surcollatéralisation (ex : 1,50 $ d’ETH pour 1 DAI). L’un des plus anciens et des plus robustes stablecoins décentralisés ;
crvUSD (Curve) : lancé par le protocole Curve, il ajuste dynamiquement les collatéraux pour gérer la volatilité. Encore en développement, mais prometteur pour l’écosystème DeFi ;
USD0 (Usual) : co-fondé par l’ancien député français Pierre PERSON, Usual est un protocole qui reprend les codes des géants comme Tether, car les stablecoins sont indexé 1:1 sur le dollar américain et adossé aux bons du Trésor, mais de manière décentralisée.
Les stablecoins algorithmiques et structurés ⚙️
Ces modèles tentent de maintenir la stabilité du stablecoin sans collatéral. L’idée ? Jouer sur l’offre et la demande grâce à des algorithmes.
Derrière chaque chaque modèle se cache une stratégie financière plus ou moins risquée, souvent sous-collatéralisée, parfois dérivée de protocoles complexes.
Le but ? Générer du rendement.
Le problème ? Ce rendement vient avec du risque, et ce risque est rarement bien compris.
Alors oui, ces projets apportent des innovations nécessaire à l’écosystème, qui est indispensable pour son bon développement. D’ailleurs ça peut rapporter gros… mais tu dois savoir dans quoi tu mets les pieds. Car contrairement à une banque classique (qui place une mini portion de ses dépôts sur des actifs), ces projets, eux, sont intégralement investis dans une stratégie. Si ça tourne mal, y’a pas de matelas de sécurité. Et dans un écosystème DeFi où les protocoles s’enchaînent les uns sur les autres, un simple depeg peut tout faire sauter.
USDe (Ethena Labs) : ce stablecoin “synthétique dollar” repose sur une double stratégie d’arbitrage et de couverture delta-neutral. En gros, il faut déposer un actif en collatéral (par exemple du stETH - car oui, on veut faire du rendement donc on veut une représentation stackée de l’actif sous-jacent). Et de l’autre côté, le protocole va ouvrir des positions short en face, pour que le rendement soit nul. Exemple : vous mettez 1000$ d’ETH, 1000$ de short ETH/USD seront déclenchés pour que si l’ETH prend 10% dans la journée, le short jouera le rôle de régulateur de cette performance ;
UST (Terra Luna) : ça c’est le cas d’école tragique. UST devait rester à 1$ grâce à un mécanisme d’arbitrage avec son token jumeau LUNA. En bref, si l’UST tombait sous les 1$, des UST étaient détruits en échange de tokens LUNA, réduisant de facto l'offre en circulation de TerraUSD. Et inversement, s’il était au dessus de 1$, des LUNA pouvait être détruits en échange d’UST.
Sauf qu’en mai 2022, ce système s’est effondré en 48 heures, faisant perdre plus de 40 milliards de dollars aux investisseurs. Car oui, quand le marché des cryptos dans son ensemble allait mal, les gens voulaient vendre de leur token LUNA. Or, quand certains avaient bloqué leur LUNA pour de l’UST, il fallait vendre l’UST afin de récupérer des LUNA et vendre les LUNA derrière. Effet boule de neige, le LUNA et l’UST ont tout les deux perdu 99% de leur valeur en seulement 2 jours…
Les stablecoins adossés à des matières premières (commodity-backed) 🪙
Certains stablecoins sont garantis par de l’or ou d’autres actifs tangibles, ce qui les rend attractifs pour les investisseurs à la recherche de “valeur refuge”.
PAXG (Paxos Gold) : chaque token représente une once d’or physique stockée à Londres. Il permet d’investir dans l’or avec la flexibilité de la blockchain ;
XAUT (Tether Gold) : le stablecoin or de Tether, adossé à des lingots stockés en Suisse.
💰 Le marché des stablecoins : croissance, adoption institutionnelle et régulation
Taille du marché et dynamique 📈
A l’heure d’écriture de ces lignes, le marché des stablecoins a atteint une capitalisation record de 243 milliards de dollars, soit une croissance de 20% depuis le début de l’année. Cette expansion est principalement due à l’USDC, qui a ajouté 18 milliards de dollars à sa capitalisation, et au +12 milliards pour l’USDT.
Les autres stablecoins, adossés à des cryptomonnaies ou aux modèles algorithmiques, représentent environ 19 milliards de dollars, soit une part significative mais encore minoritaire du marché global.
Source : Ark Invest - Big ideas 2025
Comme nous pouvons le voir sur le graphique ci-dessus, provenant d’Ark Invest, le volume de transactions des stablecoins a dépassé celui de Visa en 2024. Alors oui, ce chiffre représente principalement des flux financiers (par opposition aux paiements de détail de Visa), mais cela permet de mettre en perspective leur ampleur et cela nous laisse penser que les flux financiers en stablecoins vont encore augmenter considérablement, dressant un changement de paradigme dans ce qui pourrait être la finance de demain.
Source : Ark Invest - Big ideas 2025
Les stablecoins sont d’ailleurs la catégorie de crypto-actifs qui est la plus génératrices de revenus, dépassant Ethereum, le protocole de smart-contract numéro 1. Rien que Tether (USDT) et Circle (USDC) représentent 60 % des revenus générés par les cinq principaux réseaux et applications blockchains.
Source : Ark Invest - Big ideas 2025
Si l’on s’arrête quelques minutes sur Tether, on peut voir que l’entreprise emploie moins de 200 personnes, contre plus de 300 000 pour JP Morgan et Berkshire Hathaway. Ce qui en fait l’entreprise financière la plus rentable en nombre d’employé !
Les seules institutions de l'indice S&P Financial Select Sector Index générant un revenu net supérieur à celui de Tether au premier semestre 2024 sont Berkshire Hathaway, JP Morgan, Bank of America et Wells Fargo.
Tether vient d’ailleurs d’annoncer ses résultats du premier trimestre 2025 et l’entreprise a généré 1B$ de profits. Sky is the limit, right?
Adoption par les institutions financières 🏦
Les stablecoins sont de plus en plus intégrés dans les services financiers traditionnels. Par exemple, Visa a lancé des cartes liées aux stablecoins en partenariat avec Bridge, permettant aux utilisateurs en Amérique latine de réaliser des achats quotidiens avec des cryptomonnaies.
Des institutions financières telles qu'ING et Bank of America se préparent à intégrer les stablecoins, stimulées par une clarté réglementaire croissante aux États-Unis et en Europe.
En France, Société Générale, via sa filiale SG-Forge, a lancé en avril 2023 le stablecoin EUR CoinVertible (EURCV), dont on parlait un peu plus tôt, adossé à l'euro et conforme au règlement européen MiCA. Initialement déployé sur la blockchain Ethereum, EURCV a été conçu pour servir de pont entre les systèmes financiers traditionnels et le monde des actifs numériques. SG-Forge a ensuite étendu l'accessibilité de l'EURCV en le rendant disponible sur les blockchains Solana et Stellar, offrant ainsi des transactions plus rapides et des coûts réduits.
En décembre 2023, AXA Investment Managers a réalisé une transaction de 5 millions d'euros en EURCV pour l'achat d'une obligation verte émise par Société Générale, marquant une première dans l'utilisation de stablecoins pour des investissements durables.
De plus, en janvier 2025, la banque suisse Sygnum a annoncé l'intégration de l'EURCV sur sa plateforme B2B, le rendant accessible à plus de 20 banques partenaires, renforçant ainsi l'adoption institutionnelle du stablecoin en Europe.
Réglementation : États-Unis et Europe ⚖️
🇺🇸 États-Unis : Le GENIUS Act
Aux États-Unis, le "Guiding and Establishing National Innovation for U.S. Stablecoins Act of 2025" (GENIUS Act) vise à établir un cadre réglementaire clair pour les stablecoins de paiement. Le projet de loi, soutenu par des sénateurs des deux partis, a été approuvé par la commission bancaire du Sénat en mars 2025.
Le GENIUS Act impose aux émetteurs de stablecoins de paiement de :
Maintenir des réserves en actifs liquides équivalentes à la valeur des stablecoins émis ;
Se conformer aux lois anti blanchiment d'argent et aux sanctions, y compris la mise en place de programmes de conformité et la surveillance des transactions suspectes ;
Avoir la capacité technique de geler ou de détruire des stablecoins en réponse à des ordres légaux.
Le projet de loi distingue également les stablecoins de paiement des titres financiers, les plaçant sous la supervision des régulateurs bancaires plutôt que de la SEC.
🇪🇺 Europe : Le règlement MiCA
En Europe, le règlement "Markets in Crypto-Assets" (MiCA), entré en vigueur en juin 2023, établit un cadre réglementaire harmonisé pour les crypto-actifs, y compris les stablecoins, au sein de l'Union européenne.
Les principales dispositions de MiCA, applicables depuis décembre 2024, incluent :
L'obligation pour les émetteurs de stablecoins de détenir une autorisation en tant que "Crypto-Asset Service Provider" (CASP) ;
Des exigences strictes en matière de capital, de liquidité et de transparence pour protéger les consommateurs et assurer la stabilité financière ;
La supervision des émetteurs de stablecoins par les autorités nationales compétentes et l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA).
MiCA vise à prévenir les abus de marché, à protéger les investisseurs et à favoriser l'innovation dans le secteur des crypto-actifs.
✅ Des actifs stables en apparence, stratégiques en réalité
Les stablecoins ne sont pas seulement une réponse technique à la volatilité des cryptomonnaies. Ils redéfinissent, progressivement, la manière dont la valeur circule à l’échelle mondiale.
Leur adoption par des institutions bancaires et financières marque un tournant : loin de rester cantonnés à l’univers des cryptoactifs, ils s’intègrent désormais dans des infrastructures de paiement plus larges. Cette dynamique s’accompagne d’un encadrement juridique de plus en plus clair, notamment en Europe avec le règlement MiCA, ou aux États-Unis avec les premiers projets de lois sectoriels.
Si les modèles centralisés (comme USDC ou USDT) inspirent aujourd’hui davantage de confiance que les alternatives décentralisées ou algorithmiques, l’innovation dans ce domaine reste très active.
Dans la seconde partie de ce décryptage, nous vous expliqueront donc quels sont les avantages concrets des stablecoins, comment ils vont transformer nos habitudes de paiement et quels sont les acteurs qui innovent ?
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